Cher·es spectatrices et spectateurs,
L’association loi 1901 Ciné 9 s’emploie à défendre et promouvoir le cinéma d’auteur et le cinéma Art et Essai dans les salles de cinéma de l’Ariège. Cette association est ouverte à tous·tes depuis sa création en 2005 et les adhérent·es sont un soutien essentiel à ce projet culturel.
Grâce à ces adhérent·es, ses spectatrices et spectateurs et ses différents soutiens, cette association peut mener à bien une ligne de programmation exigeante et une politique d’animation active : soirées débats avec réalisatrices, réalisateurs ou intervenant·es, ciné-concerts, mini festivals …
Nous avons plus que jamais besoin de vous pour continuer à faire vivre ce lieu d’échanges et de rencontres autour du cinéma.
Vous pouvez télécharger le bulletin 2025 ci-dessous ou l'obtenir au guichet de vos cinémas.
Et vous pouvez choisir d'effectuer le règlement par virement, ou bien par chèque ou espèces transmis par courrier postal ou remis à l'association.
Il est rappelé que les projections et les animations sont ouvertes à tous·tes,adhérent·es ou non.
Nouveauté à Tarascon !
Avec la carte d'adhérent à Ciné9, vous pouvez bénéficier d'un tarif réduit à 5€ la place (au lieu de 7€)
pour tous les films projetés au cinéma de Tarascon.
Enzo, 16 ans, est apprenti maçon à La Ciotat. Pressé par son père qui le voyait faire des études supérieures, le jeune homme cherche à échapper au cadre confortable mais étouffant de la villa familiale. C’est sur les chantiers, au contact de Vlad, un collègue ukrainien, qu’Enzo va entrevoir un nouvel horizon.
de Laurent CANTET et Robin CAMPILLO
France, 18 juin 2025, 1h42
PREMIÈRE :
Imaginé par Laurent Cantet et réalisé par son complice de toujours Robin Campillo après sa mort, un récit initiatique à fleur de peau qui révèle un talent à suivre : Eloy Pohu
Ils se sont rencontrés à l’Idhec au début des années 80. Et pendant 40 ans, leur complicité - amicale comme professionnelle - n’a connu aucun nuage. Robin Campillo, le réalisateur de 120 battements par minute (Grand Prix à Cannes en 2017) a co-écrit ou monté (et parfois les deux) tous les films de Laurent Cantet, dont sa Palme d’Or 2008, Entre les murs. Alors quand Cantet a appris être atteint d’un cancer incurable et qu’il a voulu se lancer dans un ultime projet, Enzo, il a spontanément demandé à son ami de l’accompagner. Y compris sur le plateau les jours où il ne serait pas en état. Campillo a évidemment accepté. Mais après avoir trouvé quelques-uns des principaux interprètes (dont la révélation Eloy Pohu dans le rôle-titre), Laurent Cantet s’est éteint le 25 avril 2024. Avant le premier clap. Et Robin Campillo a donc mis en scène seul ce film posthume, qui a ouvert la Quinzaine des Cinéastes 2025. Un film d’émancipation centré sur un ado de 16 ans (Eloy Pohu, une révélation d'exception), apprenti maçon à La Ciotat, ses rapports avec sa famille, son patron et ses collègues, et plus particulièrement l’un d’eux d’origine ukrainienne pour qui il éprouve un trouble inédit. Un film d’une délicatesse et d’une puissance infinie, mêlant merveilleusement les univers des deux cinéastes tant dans la manière de filmer les corps que de parler du monde du travail ou d’inscrire le récit dans les temps agités que nous traversons (la guerre en Ukraine…).
Jusqu’à l’ultime scène sublime et poignante. A la vie, à la mort !
Le bleu du miroir :
« Un film de Laurent Cantet, réalisé par Robin Campillo« . Ce carton marquera forcément les esprits cinéphiles dès l’ouverture, du film comme de la Quinzaine des Cinéastes, apportant une part d’affect supplémentaire à la découverte d’Enzo, dernier projet du lauréat de la Palme d’Or 2008, décédé il y a tout juste un an. Alors que Laurent Cantet se savait malade, son compagnon artistique, qui a eu pendant quelques années une position assez unique auprès de lui (il a monté six de ses films et co-écrit cinq), a poursuivi le projet tout en honorant « sa vision des conflits humains ».
Comme L’atelier, cet ultime film de Cantet se déroule à La Ciotat et réunit une troupe d’acteurs débutants autour de comédien·ne·s confirmé·e·s. Ici, Elodie Bouchez et Pierfrancesco Favino incarnent les parents de l’adolescent du titre, campé par le nouveau venu, Eloy Pohu. À travers ce personnage peu loquace et solitaire, Laurent Cantet souhaitait brosser le portrait d’un jeune apprenti qui sort de la trajectoire scolaire et de ses outils de contrôle de l’orientation (Parcoursup est clairement visé) et qui tente de se confronter à la brutalité du monde qui tranche avec son rang social, très privilégié. C’est ainsi qu’il découvre la réalité du travail ouvrier sur des chantiers de maçonnerie et la camaraderie auprès de ses collègues plus âgés, notamment au contact de Vlad et Miroslav, deux immigrés ukrainiens que leur patrie veut rappeler au front pour combattre l’ennemi russe.
Besoin d’un petit ami cultivé pour impressionner votre entourage ? D’un fils parfait pour forcer l’admiration de vos clients ? D’un répétiteur pour vous préparer à une dispute conjugale ? Louez Matthias, un maître dans sa profession, excellant chaque jour à se faire passer pour une personne différente ! Mais quand Matthias doit être lui-même, le véritable défi commence.
de Bernhard WENGER
Autriche, 18 juin 2025, 1h42
TÉLÉRAMA :
Le paon (peacock) du titre s’appelle Matthias. Il fait la roue par procuration : on l’engage pour jouer l’amant cultivé, le fils prodigue ou, pour s’entraîner, l’époux trop fier que l’on envisage de quitter… Ce n’est que son métier, mais Matthias s’y oublie et sa compagne ne sait plus qui il est. Lui non plus : cette comédie absurde était déjà grinçante, mais plutôt que de s’échapper pour se retrouver, Matthias s’enfonce. Il vrille, et le film bascule dans une farce très noire, portée par la folie d’Albrecht Schuch (acteur impressionnant d’À l’Ouest rien de nouveau, dans un tout autre registre) qui vise, plutôt que la satire sociale, un rire franc — quoique jaune. Un humour sardonique, protestant, glacial… Ruben Östlund a du souci à se faire. Pour peu que l’on se prenne au jeu, Peacock est un méchant plaisir.
Le magduciné :
Avec Peacock, Bernhard Wenger donne à voir le parcours résilient d’un individu qui avait perdu tout contact avec son intériorité. Sur un mode ironique et avec un bel art de la mise en scène. Réjouissant.
Yvonne Nguyen, jeune femme d’origine vietnamienne, rêve d’une carrière dans la comédie musicale au grand dam de sa mère qui préférerait la voir reprendre son restaurant en banlieue. L’intimité de la cuisine, entre plats familiaux et recettes traditionnelles, leur permettra-t-elle enfin de communiquer, se comprendre et s’accepter ?
de Stéphane LY-CUONG
France, 5 mars 2025, 1h35
PREMIÈRE :
Une comédie musicale située dans la communauté vietnamienne en France. Un premier long métrage qui carbure à la douceur et l’optimisme.
Yvonne Nguyen est d’origine vietnamienne et rêve d’une carrière dans la comédie musicale. Sauf que sa mère préférait qu’elle se décide à reprendre son restaurant en banlieue parisienne… S’inspirant de son double héritage culturel, le Français Stéphane Ly-Cuong (dont les parents sont Vietnamiens) adopte un régime d’images pop et acidulé qui rappelle parfois celui des Reines du drame, mais appliqué ici à une affaire de quête d’identité… et de bouffe. L’un ne va pas sans l’autre pour le réalisateur, qui utilise la cuisine comme lieu de réconciliation et de retour aux racines. Pas de colère ici, ou presque : le film carbure à la douceur et l’optimisme, avec ses séquences burlesques et ses numéros musicaux enjoués.
"J’ai le goût de la comédie musicale depuis tout petit, dès ma découverte de Peau d’Âne ou Mary Poppins. C’est un genre qui transcende le réel, qui permet de se projeter dans un monde différent", précise le réalisateur. "Moi, j’étais un enfant avec des caractéristiques que je ne voyais jamais au cinéma. Je n’avais aucun modèle possible, aucune représentation à laquelle me rattacher. La comédie musicale, avec son côté décalé, magique, a été comme un refuge. On a le sentiment, en tant qu’enfant d’immigré, en tant que gay, qu’on peut peut-être trouver sa place dans cet univers-là."
Et Ly-Cuong partage ici son malin plaisir à jouir des clichés du genre autant qu’à les détourner.
Prenez garde, la chanson des nems vous trottera quelques heures dans la tête.
Cinéeuropa :
Mariant à merveille l’authenticité et la comédie, Dans la cuisine des Nguyen explore avec beaucoup de finesse et de drôlerie la complexité des rapports mère-fille et du sujet de la double culture avec la difficulté à cerner sa juste place et à s’affranchir des stéréotypes que cherchent à vous imposer votre famille et la société. Des clichés auquel le cinéaste tourne lui aussi le dos en mettant à l’honneur des interprètes aux physiques et aux origines rarement vus dans le cinéma français. Emballé dans une bonne humeur contagieuse et avec une ironie bienveillante, le film ménage aussi évidemment des séquences très réussies de comédie musicale (musique de Clovis Schneider et Thuy-Nhân Dao, paroles de Stéphane Ly-Cuong et Christine Khandjian) et s’impose comme une très bonne surprise, un très agréable moment de cinéma, d’immersion culinaire et de partage.
En 1975, Vera Brandes, une jeune femme ambitieuse de 18 ans, va défier les conventions, s’opposer à ses parents et prendre tous les risques pour réaliser son rêve : organiser un concert de Keith Jarrett à l’Opéra de Cologne. Son audace et sa détermination vont donner naissance à un des enregistrements mythiques du XXe siècle : The Köln Concert.
de Ido FLUK
Allemagne Pologne Belgique, 25 juin 2025, 1h56
SENS CRITIQUE :
Keith Jarrett et son entourage n'ont pas souhaité collaborer de quelque façon que ce soit à la fabrication de Köln 45, ce qui nous prive notamment des images de ce concert mythique. Mais après tout, le propos du réalisateur, Ido Fluk, est d'abord de montrer comment l'événement a pu se dérouler, grâce à la ténacité d'une "groupie de jazz", âgée de seulement 18 ans, au mépris de toutes les embûches rencontrées, que ce soit sur le plan familial, financier ou logistique. Le côté ludique du film n'est pas constant mais rafraîchissant et trace aussi le portrait d'une nouvelle génération allemande, rebelle, et qui ne porte plus la culpabilité de la seconde guerre mondiale. Au rythme de Vera se déroule sur un tempo enlevé et les seuls moments de calme, qui brisent un peu la cadence, sont ceux consacrés au célèbre musicien, à son caractère particulier et à son mal de dos chronique. Il y a certes un peu de frustration sur la fin puisque l'acmé attendu ne vient jamais mais la qualité de l'interprétation, celle de Mala Emde, en premier lieu, compense ce manque mais aussi une mise en scène qu'on espérait plus flamboyante. Au moins, le nom de Vera Brandes, souvent oublié dans la célébration du concert de Cologne, avec son enregistrement qui a battu des records de vente, est-il fort justement mis en lumière, 50 ans plus tard.
Movieintheair :
Le film d’Ido Fluk ne cherche pas à reproduire The Köln Concert. Il choisit plutôt d’en raconter la matrice. Ni biopic, ni docu-fiction, Au rythme de Vera creuse un espace de fiction où l’héroïne, jusqu’ici marginalisée par les récits officiels, prend enfin corps. Elle ne brille pas par l’éclat d’un exploit, mais par sa capacité à rendre l’impossible tangible. Sans elle, le concert n’aurait pas eu lieu. Le film ne le rejoue pas. Il donne à voir ce que son absence, précisément, permet de révéler.
LE CONCERT N’A PAS LIEU. ET POURTANT, TOUT SE JOUE
Le refus d’utiliser la moindre note du Köln Concert devient l’un des choix narratifs les plus radicaux du film. Ce n’est pas l’extase musicale que la caméra poursuit, mais la fabrication de l’instant. La logistique devient tension. Le couloir, le retard, le piano bancal, les portes fermées deviennent événements. Chaque geste de Vera compte, chaque hésitation, chaque coup de fil prend l’allure d’un solo muet. Le silence ne traduit pas une absence d’émotion, mais la densité de ce qui se joue en amont. Il y a urgence sans climax, rythme sans partition, chaos sans résolution.